Parce que la vie est inattendue. (parce que cette phrase ne va pas du tout avec ce que je vais écrire)
Parce que j'ai fait pour la première fois de ma vie un rêve prémonitoire. J'ai rêvé que j'avais 9 à ma dissert et qu'on pourrait pas faire le DS samedi. Gagnéééé.
J'étais triste et en colère dans mon rêve. Il était coloré mais c'était bizarre. J'avais une jupe multicolore et une veste noire et mes bottes de yéti.
Il y avait Laura et Marion assise sur un banc. Et moi qui traversais la cour furieuse. Il n'y avait personne d'autre. Je ne sais pas pourquoi j'étais furieuse.
Dans ma tête ce rêve n'était pas horrible du tout. Et ce n'était pas du tout à cause de ma note de dissert que j'étais fâché.
De toutes façons je suis contente. C'est la première.
Il y avait deux noms de candidats pour l'élection des délégués alors je me suis rajoutée parce que sinon c'était pas drôle. Il n'y avait pas de surprise.
Je ne m'attendais pas à être élue.
C'est bien. Je ne l'ai pas été.
En fait je m'en fiche de ne pas être élue.
C'était juste pour le suspense quoi.
Ma soeur est punie, elle n'a pas le droit d'aller sur l'ordinateur.
Alors j'en profite, j'écris.
Mais la nuit n'est pas tombée et l'inspiration me viendra quand je serai dans ma chambre, quand l'ordi sera éteint.
De toutes façons plus personne ne vient sur mon joueb.
Mais bon, à la base c'est pour moi que j'écris.
J'ai marché sur les gravillons en cherchant quel jour on était.
Mardi ? Ben non... J'ai expression scénique le mardi..
Lundi ? Euh.. Non, je ne suis pas allée à la piscine.
Mercredi ? Euuh... Est-ce qu'on est le matin ? Est-ce que j'ai déjà déjeuné ? Oui.. Alors on est pas mercredi.
Jeudi ? J'ai bien eu latin-étude-troisheuresdefrançais-physique-histoire ? oui ? Ah ben voilà, on est jeudi... Et il est... 16h45.
Bon...
Notion du temps retrouvée, je pars dans la direction de ma maison.
J'existe. Je prends de la place dans l'espace, parfois il y a des gens qui pensent à moi, qui me disent un mot gentil, qui me disent oui, qui me disent non, qui sont désolés pour moi.
Oui c'est ça. J'existe.
Il faut que je continue à me le prouver. Je sais que pour moi j'existe mais parfois je suis pas sûre que les autres me voient.
Pourquoi est-ce quand la prof dit les noms de toutes les personnes qui ne participent pas en classe elle cite Harmony, Carole, Julien, Mélissa, Sabrina, Amandine... Et pas moi alors que je ne parle jamais ?
En fait moi j'ai pas l'impression d'être inactive. Je ne dors pas dans mon panier, comme un chien.
Je suis les gestes et les voix d'un regard vif, comme un chat.
Je préfère les chats je crois.
J'aime pas l'odeur des chiens même si je suis plutôt un chien. J'ai la solitude du chat, mais pas sa fierté.
Je suis un peu godiche comme un chien.
Le chat est gracieux. Mais pas moi.
Les beaux habits n'y changeront rien.
J'aime pas que ma soeur me copie, même si "ça veut dire que tu es bien". Elle me vole tous mes CD (non pas Sheller heureusement. Ni la ptite compile), elle embrasse sur la bouche les photos de Victoria Abril ("NON MAIS TU VAS LA LAISSER OUI !! LAISSE-LA TRANQUIIILLE"), elle essaye de parler espagnol. Et puis aussi elle s'asseoit sur ma chaise de bureau et elle tourne ce qui a le don de m'expaspérer et elle me dit : "t'es amoureuse de qui ? De M. Julien ? De Florent ? De ..." et là je la coupe, épuisée : "TU SAIS TRÈS BIEN DE QUI JE SUIS AMOUREUSE" "oui ben tu pourrais un peu changer quand même hein... Parce que moi j'aimerais bien avoir des neveux et nièces" "Raaaaaaaah. NOOOON. Laisse-moi". Et puis en même temps elle me prend pour une poire, pour une abrutie qui ne sait rien faire. Elle se moque de moi à longueur de journée. Quand je débarque dans une pièce elle me fait une prise de karaté de loin comme si j'avais une tête à claques. Comme si elle voulait tout le temps me taper. Me faire mal.
J'planterais bien ma tente quelque part. J'irai bien ailleurs.
J'emmènerais un pull bien chaud, je n'aurais besoin que de l'essentiel.
"ce serait peut-être là... Un endroit pour vivre...".
Oh tiens oui, je vais mettre Sheller à fond.
Aaaaaah qu'est-ce que c'est bon d'écouter de la musique...
Dans ma tente j'emmènerais aussi tous mes CD et mon walkman. Et puis avec l'argent que ma tante m'a donné j'achèterai des piles.
On dirait que je suis une nomade.
Là je voudrais bien marcher marcher marcher marcher dans les rues grises de Rouen, me balader. Laisser la nuit tomber derrière mon dos. Laisser les stores métalliques tomber devant les vitrines des magasins. Laisser les amoureux s'embrasser. Laisser les bureauniers (non bureauliers) s'engueler au téléphone avec leurs patrons.
Oh et puis je prendrais bien le train direction Saint-Lazare. Je me débrouillerais pour retrouver la place des Ternes et puis je monterais bien dans la Touran de Sylvaine. Et puis je roulerais bien comme ça dans une nuit qui ne s'arrêterait jamais, en écoutant Sheller, en parlant parlant parlant.
Quand je suis dans cet état, je me dis qu'il n'y a qu'à elle que je peux écrire parce que je sais que ses mots me réconforteront et illumineront mon sourire.
Mais je veux pas que mon visage soit illuminé pour tous ces spectres gris qui vivent autour de moi. Je veux qu'il illumine ma solitude.
Je serais bien un chien errant.
Je mangerais bien "Chez Clément" avec Claudine, Valérie, Armelle, Pierre, Jojo.
C'est l'appel de Prisma.
Retrouver cette joyeuse bande.
Parce qu'entre eux que je connais pas, je me sens bien. Au chaud. Je me sens moi.
Je me laisse porter au fil de mes envies.
Je suis libre.
Et puis ILS m'ont donné de l'argent "au cas où tu aies besoin d'acheter quelque chose ou bien de manger" donc je peux quand même vivre quoi.
Et puis là bas, tout le monde est en réunion. Je suis seule dans le bureau. Je n'ai rien à faire. Je n'ai rien à regarder. mais il y a tant de choses auxquelles je peux penser.
Rien que de traverser, traverser et retraverser le couloir blanc à la moquette grise me rend heureuse.
Je passe devant chaque porte qui me rappelle un souvenir. D'une époque tout à fait mémorable. Où j'étais un peu perdue. Où je ne connaissais personne mais où j'aimais.
Où le mécanisme féminin "banal" de mon corps venait de se mettre en place. Où j'étais heureuse. j'étais libre.
Le lit de Moune sentait bon.
L'oreiller blanc et doux absorbait mes larmes d'amour.
Je portais ce vieux sweat rouge de la "Compagnie Sanson Film" (avec lequel je dors en ce moment, nostalgique de cette époque et surtout frigorifiée) que mon oncle m'avait offert.
Je n'avais rien à dire. Rien d'intéressant à raconter. Et pourtant on m'aimait.
Le matin je faisais chauffer l'eau qui était dans ma tasse dans le micro-ondes parce que j'avais peur de devoir me servir d'une allumette (donc de feu) pour allumer quelque chose qui fasse chauffer l'eau un peu plus chaud.
Il y avait du thé au miel (comme dans le placard de Lucile à Madrid) et puis je mangeais du pain tout frais (parce que ce qui est génial chez mon oncle c'est que juste en face il y a une petite boulangerie) avec du faux nutella parce que mon oncle était au chômage (enfin il donnait des cours de cinéma par ci par là) et qu'il préférait faire attention avec les courses... (économiser quoi...).
C'était bon. Tout doux. Tout rassurant. Mon oncle descendait déjà lavé et habillé et rasé et il venait discuter avec moi.
On partait "tous les deux au boulot".
Il y avait mon Thomas qui était là, je pouvais enfin passer un peu de temps avec lui. Même si Epône c'est pas si loin de Rouen que ça, ben, faut quand même trouver le temps.
Et mon parrain compte beaucoup pour moi. Je ne le vois pas assez.
De toutes façons les 8 personnes d'Epône que je connaisse sont des personnes très chères à mon coeur. Et la maison de mon oncle est une partie de moi.
Peut-être parce que j'y ai passé toute mon enfance. Enfin de zéro à trois ans.
La petite enfance en fait.
Je ne sais pas pourquoi tout ça sort aujourd'hui, jeudi 6 octobre. Peut-être parce que toute cette chaleur dans laquelle j'aime tant me retrouver est mon refuge intérieur.
Le soir je m'installe à leur table.
Je n'ai jamais froid dans leur cuisine. Ou bien je prends beaucoup de plaisir à aller chercher mon pull. Mais mon oncle a toujours un vieux sweat "Compagnie Sanson Film" ou bien "LocaFlash" qui traine dans le coin. Ma tante s'installe sur une marche du jardin pour fumer sa cigarette. Si ce n'était pas si mauvais pour la santé je l'accompagnerais volontiers. Mais je préfère grignoter des olives vertes.
Elle a fait du riz. Hmmm. Du bon riz, tout blanc, tout doux. Avec de la crème. Et puis aussi des morceaux de poulet avec de la sauce curry Uncle Bens. C'est tout simple mais j'adore.
Il y aussi des Krispolls (ça s'écrit comme ça ?) et de la vache-qui-rit et puis il y a toujours un petit pot de crème glacée dans le congélo. Qui est toujours meilleure que tout ce qu'il peut il y avoir dans notre congelo à nous. Parce qu'il y a mon Oncle qui parle de Yousef, qui parle de son boulot, il y a ma tante qui raconte combien la petite vieille dont elle s'occupe est capricieuse. Sophie qui raconte qu'elle a eu une super note à son contrôle d'informatique. Et puis il y a Thomas qui débarque. Qui me serre très fort dans ses bras de sa voix toute douce. Qui s'asseoit à côté de moi, qui prend une assiette, du riz, du poulet. Qui mord joyeusement dans un morceau de pain. "Alors il y a quoi comme potins chez Voici aujourd'hui ?" Et moi qui raconte avec plaisir tout ce que j'ai fait.
Ce que j'aime c'est que tous m'écoutent, que tous rient à mes blagues, que tous me posent des questions (signe d'intérêt)... Avec eux j'ai l'impression d'exister. D'être aussi vivante qu'eux. D'être à égalité. De mériter la vie autant qu'eux.
Parce qu'ils ne traitent pas chacune des personnes qu'ils croisent de c*****d, de t*s de m***e, de p****n, de ** et autres mots issus d'un language fleuri et distingué.
Quand il parle de Dieu ce n'est pas gênant, ce n'est pas lourd, ce n'est pas énervant, cela ne met pas mal à l'aise. Parce qu'il exprime juste sa passion, son amour. Et c'est beau.
Il en parle simplement. Comme de quelqu'un qui l'aimerait, qu'il aimerait beaucoup...

Je suis la nièce de mon oncle.